La résiliation de plein droit d’un bail commercial : ce qu’il faut absolument savoir

La résiliation de plein droit est une arme à double tranchant dans le cadre d’un bail commercial. Pour le locateur, elle offre rapidité et efficacité, mais expose à des risques juridiques et financiers en cas d’erreur.

Pour le locataire, elle peut sembler menaçante, mais des mécanismes légaux (comme le contrôle judiciaire et le droit de remédier au défaut) offrent un rempart contre l’arbitraire.

Avant de prévoir ou de mettre en œuvre une telle clause, une analyse juridique s’impose. Les conséquences d’une résiliation de plein droit mal exécuté peuvent être considérables, tant en coûts qu’en dommages à la relation d’affaires.

La résiliation de plein droit est une clause intégrée dans certains baux commerciaux qui prévoit la fin automatique du bail dès qu’un manquement spécifique survient, sans qu’il soit nécessaire d’obtenir une décision judiciaire au préalable.

Elle se veut un outil efficace pour le locateur qui, confronté à un défaut (le plus souvent le non-paiement du loyer), peut mettre un terme à la relation contractuelle rapidement.

Cependant, comme vous le verrez, la réalité est plus nuancée que ne le laisse croire la simple lecture de la clause.

Une clause valide, mais pas sans condition

Dans plusieurs arrêts, dont 9051-5909 Québec inc. c. 9067-8665 Québec inc. (CA, 2003) et Société du Vieux-Port de Montréal inc. c. 9196-0898 Québec inc. (Scena) (CA, 2013) , la Cour d’appel du Québec a confirmé que ces clauses de résiliation de plein droit sont, en principe, valides dans le contexte d’un bail commercial.

Les tribunaux ont toutefois insisté sur un point clé : encore faut-il que le manquement reproché soit réel et avéré.

En d’autres termes, même si votre bail prévoit que le locataire sera expulsé automatiquement en cas de défaut, cela ne signifie pas que vous, en tant que locateur, pouvez ignorer les droits du locataire ou vous dispenser de toute preuve.

L’application d’une clause résolutoire n’est pas automatique lorsque le locataire conteste votre décision. Le tribunal demeure toujours l’arbitre ultime si un litige survient.

Si vous vous trompez en prétendant que le bail est résilié de plein droit, vous pourriez ultérieurement être condamné à payer des dommages-intérêts au locataire lésé.

La résiliation judiciaire : une erreur à ne pas commettre

Le Code civil du Québec prévoit que le locataire poursuivi en résiliation du bail pour défaut de paiement du loyer peut éviter cette résiliation en s’acquittant des sommes dues avant le jugement.

Donc si vous, locateur, optez d’abord pour une résiliation judiciaire (en introduisant un recours devant les tribunaux) et décidez ensuite de vous prévaloir de la clause de résiliation de plein droit, vous risquez de perdre votre droit de vous prévaloir de votre clause initiale.

C’est ce que nous enseigne la Cour d’appel dans l’affaire 9051-5909 Québec inc. c. 9067-8665 Québec inc. (CA, 2003).

Cette protection légale du locataire vise à assurer une certaine équité dans les relations commerciales.

L’importance du contrôle judiciaire a posteriori

A l’inverse, si vous êtes locataire et que votre locateur s’est prévalu de la clause de résiliation de plein droit il existe une solution d’urgence.

Comme l’a souligné la Cour d’appel, le contrôle judiciaire demeure bien présent. En effet, la résiliation de plein droit n’a pas pour effet de mettre le locataire à la merci d’un locateur qui abuserait de cette faculté.

Lorsque le locataire conteste la résiliation, le tribunal examinera la preuve et, s’il conclut qu’aucun manquement n’était justifié ou que le locateur a agi de manière précipitée ou abusive, la résiliation pourra être annulée.

Dans de tels cas, le locateur s’expose non seulement au maintien du bail, mais également à des dommages-intérêts ou, dans certains cas, à une injonction lui ordonnant de permettre au locataire de réintégrer les lieux.

Des recours efficaces, mais équilibrés

Les décisions de la Cour d’appel démontrent que la résiliation de plein droit est un outil efficace pour le locateur, mais qu’elle ne permet pas de contourner les abus ou de priver un locataire de ses droits fondamentaux .

De même, pour le locataire, savoir que le bail contient une telle clause signifie qu’il doit se montrer vigilant et s’assurer de respecter ses obligations, sous peine d’accélérer une procédure de résiliation.

Néanmoins, la présence d’une telle clause ne prive pas le locataire d’un recours à la justice. L’obtention d’une injonction ou de dommages-intérêts demeure possible si le locateur se prévaut indûment de cette faculté.

Les tribunaux ont ainsi un rôle de gardien de l’équilibre entre les droits et les obligations des deux parties.

Conclusion : Informez-vous et protégez vos intérêts

La résiliation de plein droit dans le cadre d’un bail commercial est un mécanisme complexe, loin d’être automatique, qui nécessite une analyse nuancée.

Si vous êtes locateur, assurez-vous de suivre rigoureusement le processus prévu au bail et aux dispositions légales applicables, faute de quoi vous pourriez vous retrouver à payer « le prix de votre erreur ».

Si vous êtes locataire, sachez que vous disposez de recours si la résiliation n’est pas justifiée et que vous pouvez, dans bien des cas, remédier au défaut avant la fin officielle de la relation contractuelle.

Vous avez des questions sur vos droits et obligations en matière de bail commercial, ou sur la légalité et la portée d’une clause de résiliation de plein droit ? Contactez ZS Avocats.


Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *